Barthélémy


C'était un dimanche après-midi, à la fin des années 1970; je cherchais à identifier la ferme de nos ancêtres et espérait la repérer en découvrant notre patronyme sur le linteau de la porte d'entrée. Mais, en interrogeant plusieurs personnes dans le hameau de Vernaly, je m'entendis répondre à ma grande surprise qu'elles n'avaient jamais entendu parler de la présence d'une famille Berne. De plus, m'assurèrent-elles, leurs propres familles habitaient le hameau depuis plusieurs générations.


C'est à Philippe Berne, né en 1942, arrière-arrière petit-fils de Barthélémy que nous devons une part importante des recherches qui éclairent les origines de notre famille.

Aidé par Mauricette Berne - chartiste - sa première épouse, il a dressé un tableau très précis de nos ascendants à partir du XVIème siècle. Il raconte ici sa découverte du site de Vernaly.

Mais peut-être que ma mine déconfite les encouragea à élargir leurs propos : "Demandez toujours à notre voisin du haut; c'est lui qui appartient à la famille la plus ancienne de Vernaly".
Celui-ci était un célibataire d'une quarantaine d'années, très
affable. Bien sûr, il la connaissait cette ferme Berne ! Le fameux linteau que je recherchais, il était dans son jardin dont il tenait la porte ! C'était vrai ! Et il savait pourquoi. A une époque que mon interlocuteur situait assez proche (à l'orée du 20ème siècle) un glissement de terrain avait détruit la ferme occupée par la famille Berne. Il suffisait d'ailleurs de lever les yeux pour apercevoir au-dessus de nous une espèce de falaise, le seul témoin restant de la catastrophe.

La première chance de Barthélémy Berne fut donc de n'être que le cadet de la famille Berne et ainsi de ne pouvoir prétendre à hériter de la ferme de Vernaly ! L'eût il reçue en héritage que son destin l'eût conduit à l'exploitation modeste de celle-ci ou même vers une mort prématurée lorsque le terrain sur lequel était construite la ferme glissa et emporta le bâtiment et ses occupants dont sa mère Catherine Courbon, la femme et trois enfants de son frère aîné ainsi que trois domestiques.


La chance a souri une première fois à Barthélémy. Elle ne va plus le quitter. Il gère alors un atelier de menuiserie industrielle situé à quelques kilomètres de Vernaly, au hameau du Noharet. Il est installé dans un vieux moulin dont la roue lui fournit la force motrice dont il a besoin.

L'acte de mariage de Barthélémy Berne et d'Elisabeth Richard

C'est l'époque où l'industrie textile s'implante et se développe dans la région et notamment dans la vallée de la Déôme, à Bourg-Argental et Saint-Julien-Molin-Molette.
D'abord menuisier et mécanicien (La plupart des pièces des métiers à tisser étaient en bois;). Barthélémy fabrique des métiers à tisser, peut-être des Jacquard (à moins qu'il ne s'agisse d'ourdissoirs) mais va devenir vers la moitié du 19ème siècle, un fabricant de rubans et passementeries (Voir nos pages consacrées à La Rubanerie)..
Philippe Berne pense que notre ancêtre a dû franchir une étape intermédiaire par l'utilisation des passementiers (des artisans indépendants possédant de un à dix métiers et travaillant "à façon" pour un industriel), peut-être même en recourant au troc (se faisant payer ses métiers par la livraison d'une partie de la production des artisans passementiers)
Le succès de sa nouvelle entreprise permet, en 1851, à Barthélémy de construire l'usine du Noharet située encore aujourd'hui en bordure de la route qui joint Bourg-Argental à Saint-Sauveur en Rue.La réussite est là: Barthélémy est désormais un fabricant, (plus exactement un "maître faisant fabriquer") un notable : il est conseiller municipal depuis 1844 (Cf. La Chronologie).
Les récentes découvertes de notre cousine Marie-France Quiblier concernant Jean-Marie Berne curé de Chateauneuf (près de Rive de Gier) nous ont permis d'identifie avec une très grande probabilité, le portrait de Barthélémy Berne reproduit ci-contre.
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Vous trouverez un autre portrait de Barthélémy (également réalisé par la photographe de la Société des Eaux de Vittel) dans les pages Albums.

La nouvelle "fabrique" de Barthélémy sur la route de Saint-Sauveur est sans doute une usine-internat où un dortoir accueille les ouvrières venues des hameaux du voisinage. C'est alors la coutume et certains établissements se sont même dotés de chapelles. ! Depuis la loi de 1843, la journée de travail est de 12 heures mais le patronat de Bourg-Argental soulève quelques objections :…:

"La sortie à 7 heures du soir peut avoir de graves inconvénients pour la moralité. En effet, les ouvrières des moulinages sont toutes logées et nourries dans les ateliers; lorsqu'elles cessaient le travail à huit heures, elles trouvaient le souper prêt et après l'avoir mangé, elles faisaient la prière et se couchaient à neuf heures. Aujourd'hui en sortant à sept heures, elles restent entièrement libres et hors de toute surveillance juqu'à 8 heures et on ne peut prévoir ce que pendant ces heures elles perdront en moralité"

Les deux fils de Barthélémy développent l'affaire: Jules sera son adjoint puis son successeur tandis que Léopold crée un bureau à Paris et présente les productions de la maison aux acheteurs étrangers (à cette époque, la Rubanerie exporte 78% de sa production hors de nos frontières) et aux différentes expositions universelles qui décernent à l'entreprise Berne père et fils, de nombreuses médailles. Vers 1870, Barthélémy fait construire à côté de l'usine du Noharet, .une petite villa qui existe encore. Il meurt en 1875 ayant connu plus de sept régimes politiques différents !

L'usine du Noharet sera exploitée jusqu'aux environs de 1900 par les deux fils de Jules Berne, Léopold et Edouard. Tous deux avaient sans doute trop de personnalité pour pouvoir s'associer durablement. Concurrents politiquement (Conseil Général) et professionnellement, ils décident d'un commun accord de recréer chacun leur propre entreprise. Léopold créera, associé à son beau-père, une entreprise de tissage à Vocance près d'Annonay (à moins de vingt kilomètres de Bourg-Argental) tandis qu'Edouard maintiendra la tradition en construisant en 1900, à Bourg-Argental, une usine spécialisée dans la fourniture des passementiers et la distribution de leur production.